Dominique William LEDUC

Le développement d'une technique personnelle

Depuis l'enfance, Dominique-William Leduc vit dans un milieu où l'art tient une haute place : la collection familiale de peintures et de dessins, constituée au fil des générations, compte des oeuvres de belle qualité. Aquarelliste et pianiste de talent, sa grand-mère maternelle lui prodigue conseils et encouragements dès le moment où elle décèle son attirance pour les crayons et les pinceaux. Adolescent, admis comme copiste au Musée du Louvre, il reproduit des oeuvres qui, déjà, marquent sa prédilection pour les coloris veloutés et chaleureux : Murillo et Fragonard surtout. L'enseignement académique le tente peu, toutefois, il parfait sa technique en étudiant les oeuvres des grands paysagistes du XIXe siècle : Corot, Manet et les peintres du courant impressioniste, des fréquentations qui déterminent son orientation stylistique initiale. Exposé dès ses vingt ans dans plusieurs galeries parisiennes et provinciales, sociétaire des Artistes Français, il reçoit une première distinction officielle avec le Grand Prix Versailles du Conseil Général (récompense exceptionnellement attribuée à un aussi jeune peintre). Plusieurs galeries renommées s'intéressent alors à sa production : Benrheim, Katia Granoff, Duncan... Par l'intermédiaire de cette dernière, il est exposé à New-York. Brusquement, à trente-et-un ans, son activité créatrice marque un temps d'arrêt : pour se démarquer d'un style qui ne cadre plus avec son tempérament. Pendant de longues années, il travaille assidûment pour élaborer une technique et un style pictural plus abstrait. Mais la quasi totalité des toiles qui jalonnent cette lente maturation resteront confidentielles : elles seront d'ailleurs détruites (près de quatre-vingts !). La découverte de plusieurs oeuvres de Nicolas de Staël figurant dans une grande collection privée produit l'impact décisif. Les surfaces, les volumes, les reliefs du maître des Ménerbes résonnent chez Dominique Leduc d'un écho prolongé que module avec bonheur une palette tonale toujours plus riche. Un premier séjour sur la côte méditerranéenne, en 1985, parachève cette renaissance : ses premières nouvelles compositions rendent hommage au nouveau maître et à ses plans translucides (Les Couleurs de Fréjus). L'éclat de sa peinture se magnifie dans des sujets qui fusent dès qu'il retrouve, plusieurs fois chaque année, les paysages de la Côte d'Azur ; La Grande Ponche,les Calanques de Cassis, Les Heures de Grasse.... Soutenu par une grande firme de produits pharmaceutiques, il renoue avec les expositions parisiennes en mai 1991. La cinquantaine de tableaux présentant sa nouvelle orientation reçoit un accueil éloquent : dans les jours qui suivent le vernissage , tous ont déjà trouvé leur place dans les collections d'amateurs admiratifs !

Dominique William LEDUC-tableau style de Staël

L'impact provoqué par la découverte de plusieurs toiles de Nicolas de Staël figurant dans une collection particulière en 1985 est décisif : les surfaces, les volumes, les textures, trouvent immédiatement dans une recherche un écho retentissant auquel se mêle avec bonheur une palette tonale et une facture personnelle. Maître des paysages et de la lumière, il parcourt chaque année une région de France. Sa peinture trouve le rayonnement recherché, les sujets fusant avec passion : La grande Ponche, Nuit méditerranéenne, Ombres bleues, Calanques, Bouquet de mimosas aux pots japonais... En 1991, la Garde Républicaine lui confie I'affiche de ses portes ouvertes, renouvelée de nombreuses années et vendue au profit des oeuvres de la Garde. Dès 1992, il reçoit des commandes de nombreuses sociétés et travaille avec le monde du sport. Peintre du mouvement il s'est spécialisé dans les scènes de golf, polo, voile, tennis... Soutenu par un groupe industriel, il prépare une exposition itinérante aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et au Japon et exposera à la galerie Saint Roch à Paris en 2001 sur le thème : "les ambiances retrouvées".

Dominique William LEDUC-tableau de Grasse la ville
Dominique William LEDUC "Grasse la ville" Recherche d'un style inspiré par Nicolas De Staël

L'itinéraire d'un créateur me fait souvent songer à ces sentiers sinueux qui assaillent les flancs des montagnes. D'ordinaire, les méandres qu'ils tracent règlent sur l'inclinaison du versant l'angle de leur pente patiente et méthodique. Parfois, pourtant, le chemin semble rejeter cette progression compassée. Contrariant la courbe naturelle de l'ascension, il franchit dans un excès d'effort un plus haut promontoir, se scinde - jouant d'une duplicité passagère - pour esquiver un saillie rétive, une faille hasardeuse ; à certains moments même, il bascule dans une déclivité adverse, comme pour mieux se ramasser avant un élan décisif. Rien d'incohérant, cependant, dans ces impulsions : tout s'ajuste selon la disparité du terrain, la dureté de la pierre et la course tenace vers le Sommet espéré - et la splendeur du panorama.

Détours, fractures, bifurcations, l'évolution d'un peintre est rarement avare de ces inflexions ; certains artistes prennent même souvent plaisir à les multiplier, non par errance indécise, mais plutôt par fuite obstinée des marques trop familiaires, par poursuite délibérée d'un égarement sans l'opacité du devenir, la trajectoire épuiserait, sans doute, par trop de prévisibilité, toute impatience d'en découvrir le tracé.

Je les discerne dans le parcours de Dominique William Leduc. L'écart avec la facture impressioniste de ses premières toiles, il l'avait franchi en adoptant cet art des plans sans ombres, des profondeurs abolies qu'avait instauré Nicolas de Staël dans les ultimes années de sa vie, un art de la désubstantification. Le désir de métaboliser l'apparence restait pourtant inscrit dans ces impacts rectangulaires qui transformaient la surface picrurale en damier polychrome, ne laissant, comme unique échappée vers l'immuable, que les espaces de l'azur et de la mer, l'âme inaliénable des paysages de la Méditerranée (Le Carlton, la nuit - 1990). Domaines de l'éphémère et du transitoire, présences et constructions humaines Se resserraient sur une aire souvent dérisoire - assemblage compact qu'accentuait une prédilection marquée pour des formats souvent très réduits -, s'équilibraient mais aussi s'affrontaient et s'écrasaient dans des tons véhéments, jusqu'à s'enliser dans d'épaisses couches opaques, desséchées, déformées, formes rompues par un quadrillage massif rejetant toute perspective, tout axe d'orientation autre que vertical ou horizontal. Le refus de la profondeur illusoire de la toile, de l'attraction vers ce point qui exacerbe la fuite des volumes - leurre d'une présence symbolique qui désole dès lors qu'on feint de s'y résoudre - se proclament dans l'avité insatiable pour une matière consistante,...Alors, j'évoque cette onctuosité qui, de Vignon à Giordano, de Tiepolo à Fragonard, de Courbet à de Staël, enduit, ici, d'un suc diaphane comme une pellicule luisante, tendue au péril d'une déchirure irrémédiable, là, d'une crème suave qui attire presque irrésistiblement l'effleurement tactile : "le grand théâtre de la palette, de la pâte et de la touche" (André Chastel).
Daniel Fournier, journaliste critique d'art (1992)

Dominique William LEDUC-tableau Style Poliakoff
Dominique William LEDUC "Recherche d'un style inspiré par Poliakoff"

Un passage décisif laisse entrevoir aujourdhui une étendue nouvelle, pressentie, quelques fois, en scrutant les glacis émergeant çà et là des paysages relevés à Frejus, à Cannes ou Grasse, ou les camaieux jouant avec d'inépuisables modulations de bleus (Rivage sonore - 1992), de rouges (Grasse,le matin - 1991). Les immensités aériennes et marines distandent les frontières de la toile dont les formats sont désormais grandioses (Nuages ascendants, 130x195-1992), parfois juxtaposés en polyptiques imposants, parcourus d'un flux immatériel, perpétuel. Les épaisseurs où s'alourdissait la touche, où le regard s'évaporait, vidé de substance, se sont fluidifiés. Substrat translucide animé d'un frémissement imperceptible ou pétrification irréversible d'un choc cristallin ? A peine soupçonnable à distance, de longues ondulations moirent les surfaces et leur dénient toute impassibilité. Aucun sujet ne résiste à cette décomposition spectrale qui, dans l'imaginaire de l'impalpable, trouve les ingrédients privilégiés de ses transmutations : fluidité des nuages, évanescence de l'olfactif (hommage aux senteurs des parfums Fragonard de Grasse), délitescence du roc (falaises bretonnes et calanques marseillaises), ductilité des formes architecturales (cathédrales carolingiennes et romanes), fragilité de l'ornementation florale (hommage aux compositions du fleuriste Moulié-Savart), ambiguïté de l'évocation littéraire (poésie chinoise ancienne, récits de voyages en orient).

Et jusque dans la rigueur de l'organisé, Leduc perçoit les resources d'infinies dérivations : l'ordonnance stricte d'un défilé équestre de la Garde Républicaine s'agence en balet d'éclats rutilants sur les casques métaliques, le crépitement des sabots se scande en touches vivaces et scandées, les saccades démultipliées des unifornes et des membres sont, elles aussi, prétextes à de savantes dislocations. L'art de Dominique William Leduc a déjà pris ses distances avec celui de De Staël, qui demeure néanmoins sa référence constante de réflexion, d'exploration, celui par lequel il se singularise. Apprécié désormais pour cet équilibre délicat entre l'abstraction pure et la figuration suggérée qui lui appartient en propre, servi par une virtuosité technique dont peu de peintres peuvent se prévaloir, il déploie les ressources foisonnantes d'une inventivité jaillissante, séduisante, un art qui rassure et intrigue, qui vibre d'une présence insaisissable et pourtant ferme, chaleureuse, qui dérobe au réel sa trame intangible.
Daniel Fournier, journaliste critique d'art (1992)

Dominique William Leduc - tableau La route des épices
Dominique William LEDUC "La route des épices"

D'abord, j'ai élargi considérablement ma palette. Avant dix ou douze couleurs me suffisaient ; à partir de ce moment (ndlr : découverte de De Staël et Poliakoff), je commence à utiliser plus d'une vingtaine de couleurs. En même temps, je travaille avec moins de mélanges. Bien sûr, les couleurs qui sortent du tube sont assez crues, mais en les superposant, les pigments se diffusent les uns dans les autres et s'adoucissent. Mais c'est avant tout l'aspect plastique que j'ai envie de développer, le fait de travailler un peu comme un sculpteur. Dominique William Leduc (1993)

Dominique William Leduc - tableau Cannes au matin
Dominique William LEDUC "Cannes au matin"

J'ai eu envie de plonger dans l'espace et de pénétrer dans ma toile ; en isolant une région de mes compositions à base de carrés juxtaposés, je sentais que je pouvais construire un sujet beaucoup plus ample. Actuellement, j'opère une sorte de zoom sur ce qui n'était auparavant qu'un fragment, ce qui me donne des aspects beaucoup plus larges et étendus, plus transparents, tout en conservant par endroit des effets d'épaisseur qui rythment la toile. Je travaille avec de grandes lames de couteau et, au lieu de faire glisser les couleurs qui s'étalent sur la toile, je les "tamponne" ; elles s'interpénètrent, ce qui donne une apparence légèrement grumeleuse ; puis, dès que cette couche est sèche, je superpose de nouvelles couches, je pulvérise des pigments en poudre qui rentrent dans la peinture fraîche. J'obtiens ainsi une facture beaucoup plus personnelle. Dominique William Leduc (1993)

Dominique William Leduc - tableau Vue de Londres
Dominique William LEDUC "Vue de Londres"

J'aime son pigment qui s'étale, ses cristaux miniatures qui provoquent un brillant caractéristique et donnent une profondeur à la toile. Pour mes couleurs, je me fournissais chez Foinet, une vieille boutique des années 1850 où il fallait grimper aux énormes étagères pour prendre les tubes alignés. Les couleurs étaient fabriquées la nuit, dans le laboratoire juste derrière la boutique. On y préparait spécialement mon bleu à partir d'oligo-éléments broyés à l'ancienne puis mélangés à l'huile, comme on monte une mayonnaise. Dominique William Leduc (1999)

Dominique William Leduc - tableau la torche au loin
Dominique William LEDUC "La torche au loin"

Je réalise d'abord le fond avec une grande lame de ferraille, ce qui donne le côté impalpable. Ensuite, je traite tous les sujets d'arrière-plan en écrasant les couleurs au couteau. Dominique William Leduc (1999)


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